Yvette
"En tout lieu,
|
Elle est si gentille, Yvette, cette petite dame qui depuis quelques jours vient se recueillir dans la chapelle d'Adoration Eucharistique. Son assiduité était telle qu'elle finit par s'établir dans le lieu, assise sur la chaise du fond à droite. Son attitude est constamment dévote, munie d'un livret de prières, d'un chapelet ou arborant simplement un air pensif ; nous ne saurions lui reprocher une occupation indue des lieux.
|
Cependant... Au bout de plusieurs semaines, une émanation nauséabonde envahit la chapelle, une puanteur âcre qui s'insinue, évoquant des pieds confinés dans des chaussures ou une effluve similaire. L'atmosphère devient insoutenable. Tour à tour, nous tentons d'engager le dialogue avec la petite dame, mais plus nous insistons, plus le conflit s'exacerbe. Nous constatons qu'elle souffre de problèmes cutanés aux jambes nécessitant des soins réguliers, mais elle s'y refuse catégoriquement. Nous sommes dépités. Le curé lui-même est préoccupé par cette situation - outre les multiples sujets brûlants de la paroisse - et il tente également une approche, mais en vain.
|
Les adorateurs qui se relaient ouvrent les fenêtres en grand, supportant cette atmosphère pestilentielle, et se plaignent auprès du responsable du service que je suis. J'ai recours à plusieurs reprises à des aérosols nettoyants pour moquettes, des désodorisants, des huiles essentielles, de petits bâtonnets d'encens, mais l'effet n'est pas à la hauteur de la pureté olfactive qu'exige un lieu de prière. Je prie avec d'autres afin que le Seigneur nous éclaire dans cette situation délicate. Plusieurs membres de mon équipe sont pourtant compétents dans le domaine de l'assistance aux personnes indigentes. Mais la situation demeure inchangée.
|
J'intensifie mon oraison, déclarant avec ferveur devant le Seigneur qu'Il ne saurait nous abandonner ainsi. Et, comble de l'aberration : une seconde personne fait son apparition dans la chapelle, un jeune homme dont les chaussures de sport exhalent également une fragrance d'une intensité déraisonnable. La situation est épouvantable : ce lieu de prière et de contemplation est devenu aussi putride qu'une benne à ordures ou un lange souillé, c'était véritablement répugnant.
|
Et alors que j'achève plusieurs heures de prière nocturne au Cœur du Christ et à la Vierge et que, par une heureuse coïncidence, cette nuit-là, je suis seul dans la chapelle, je suis soudainement interloqué. En effet, outre l'atmosphère viciée habituelle, je constate que je suis moi-même victime de flatulences pestilentielles qui m'incommodent au plus haut point ; j'ai alors une illumination intérieure : il y a ici une convergence, une accumulation anormale. C'est un signe que le Seigneur nous adresse, tel un avertissement solennel. Je prends conscience du fait suivant : notre paroisse a transgressé et l'effluve de nos iniquités est parvenue jusqu'à Dieu. Ainsi que le proclamait le Prophète Daniel : nous avons péché, nous avons été impies et rebelles, nous nous sommes détournés de ses commandements et de ses décisions, nous n'avons pas écouté ses serviteurs les Prophètes qui ont parlé en ton Nom à nos rois...
|
Notre paroisse est plutôt versée dans l'évangélisation, et c'est comme si nos jambes et nos pieds, qui dans la Bible symbolisent l'annonce de la Bonne Nouvelle, étaient devenus infirmes.
Alors, j'entame une démarche de propitiation : lecture fervente de la prière de réparation de Daniel 9, du livre des Lamentations, de la supplique de Baruch aux chapitres 1 et 2, chapelet de la Divine Miséricorde... Et je finis alors par appréhender la vérité suivante : ce péché nous a confrontés à un ennemi, un ange de malheur qui s'est insinué dans la chapelle. Un ange qui attire à lui toutes les situations possibles engendrant des miasmes mortifères à faire rétracter un cadavre dans sa sépulture. Or, ce type d'antagoniste doit être combattu par des armes en lien avec ses effets. Je me précipite alors dans la sacristie dont je détiens la clef et me saisis de l'immense encensoir de la paroisse. Je fais incandescendre plusieurs charbons ardents, dépose plusieurs cuillerées d'encens bénit en grains et me mets à prier dans la chapelle, déclarant par l'autorité de notre curé que toute entité des ténèbres fuie au loin, couverte d'ignominie et ceinte par les saints Anges, et que tout maléfice lié à la chapelle est désormais anéanti. |
Le lendemain, j'apprends que notre curé, épaulé par une paroissienne, a permis la prise en charge de la vénérable dame par un centre spécialisé qui va l'aider à retrouver un rythme de vie quotidien équilibré, et que le jeune homme aux effluves pédestres a été accueilli dans un foyer de jeunes où une assistance similaire lui sera prodiguée. Nous sommes délivrés d'une calamité. Deo gratias.
Dans cette histoire, il apparaît clairement que notre action conjuguée dans le domaine spirituel et matériel a révélé une synergie remarquable. |
Ce type d'événement se reproduit à plusieurs reprises. Par exemple, il me semble qu'un autre esprit malin s'est immiscé, attirant des bruits constants et inopportuns : portes qui craquent, voisins peu égards, éléments électriques de la chapelle qui crépitent et produisent des sifflements stridents à répétition... Il semble que nos péchés d'irrévérence dans l'église (conversations futiles juste avant et après les messes, par exemple) soient ainsi manifestés. Une oraison de pardon, un Rosaire, une invocation à Saint-Michel, suivie d'une aspersion de la chapelle avec de l'eau bénite (à chaque angle du sol et du plafond) par l'autorité du curé, et le problème est résolu. C'est concluant.
|
Il ne faut surtout pas omettre de réciter des prières au Sang Précieux (prier au moins dix minutes) afin de solliciter la protection contre les sentinelles maléfiques pour nous, notre famille et nos biens matériels, car immanquablement, lorsque cet acte est négligé, la tempête s'abat sur notre foyer pendant une journée entière (colères irrépressibles, disputes, défaillance des objets...).
|
Je retiens de ces péripéties au service deux points essentiels : en offrant régulièrement réparation pour la paroisse, afin que nos iniquités ne deviennent pas une porte ouverte à une affliction similaire, nous sommes préservés. Et si jamais cela advient, le Seigneur nous permet d'être ces anges qui arrachent l'ivraie, la lient en gerbes et la réduisent en cendres par le feu. Merci Seigneur. |