Partie 3 : les 7 refus de Moïse
En parcourant Ex 3, 11 à Ex 6, 30, contemplons comment le SEIGNEUR fortifie Moïse dans les missions où Il l’envoie.
Moïse va opposer 7 refus à DIEU, qui sont en quelque sorte 7 refus type que nous pouvons avoir lorsque le SEIGNEUR nous envoie : la tentation de tout porter dans notre mission, douter de DIEU, douter des autres, douter de soi, se défiler, se décourager devant l’épreuve, se décourager devant les refus.
DIEU répond par des signes pour affermir notre foi, et aussi par sa justice qui nous confronte aux conséquences de notre refus, comme Il nous éduque.
Les 7 objections de Moïse.pdf
Dieu apparaît donc à Moïse dans le buisson ardent et lui dit : "J'ai vu la misère de mon peuple en Égypte, je l'ai entendu crier sous les coups de ses chefs." Nous retrouvons ici une résonance avec les Ninivites égarés : Dieu est pris de pitié pour son peuple opprimé. Il lui demande : "Va maintenant, je t'envoie vers le peuple, fais sortir mon peuple, les fils d'Israël."
Des commentateurs juifs ont souligné l'emphase du "va", un impératif pressant qui signifie : "Il n'y a que toi qui puisses accomplir cela, sinon ils sont tous perdus." C'est Dieu qui parle avec ses entrailles, dirais-je maternelles, disant : "Il faut que tu y ailles !" Un autre indice de cette urgence est l'appel direct de Moïse, répété sans virgule : "Moïse, Moïse." Contrairement à "Abraham, Abraham" ou "Samuel, Samuel" où une pause marque un appel doux, ici, l'absence de ponctuation en hébreu suggère une supplication, comme quelqu'un au fond d'un puits appelant à l'aide. L'appel de Dieu à Moïse est pressant.
Je crois que nous pouvons appliquer cela à nous-mêmes : nous ne réalisons pas assez à quel point Dieu, lorsqu'il nous appelle à une mission, parle du fond de ses entrailles. C'est par grâce qu'il agit. Pour ceux qui s'occupent d'un service d'Église, par exemple auprès des sans-abris, la misère de la rue est montée jusqu'à Dieu. "Il faut que tu t'en occupes !" Si nous réalisons cela, cela peut être un stimulant supplémentaire pour accepter les difficultés inhérentes à la croix.
Première Objection de Moïse : Le Doute de Soi
La première objection de Moïse est : "Qui suis-je, Seigneur, pour aller vers Pharaon et faire sortir d'Égypte les fils d'Israël ?" Ce "Qui suis-je ?" révèle l'idée que la mission repose sur lui et non sur Dieu. C'est la tentation de croire que l'on doit porter le poids seul, qu'une barrière s'est installée entre Dieu et soi. C'est la première objection que l'on peut formuler en recevant une mission : "Je n'y arriverai jamais seul."
À chaque fois, Dieu répond immédiatement par un don : "Je suis avec toi." Comme nous l'avons vu la dernière fois, Dieu offre son nom, un nom efficace qui nous fait connaître qui Il est et induit une action. "Je suis avec toi" : ce nom mystérieux affermit et éclaire notre mission. Le tétragramme "Je suis celui qui est" signifie qu'Il est présent dans le passé, le présent et l'avenir, car au ciel, le temps n'existe pas. Il est avec nous de toute éternité.
Un deuxième élément que Dieu donne immédiatement est un signe : "Vous servirez sur cette montagne." Ce signe peut paraître dérisoire pour Moïse. En quoi cela l'aidera-t-il dans sa mission ? C'est que notre mission, comme nous l'avons vu, est liée aux délicatesses du Seigneur, qui nous montre des indicateurs invisibles à notre regard, car trop lointains. Il nous révèle des éléments de l'avenir pour nous aider à ne pas nous focaliser sur le chemin immédiat, comme un conducteur qui ne reste pas rivé sur sa carte routière.
Ce "vous servirez sur cette montagne" doit nous apparaître comme un sujet d'espérance. Même si je suis aride dans ma prière et que je trouve la tâche difficile, je peux dire : "Seigneur, je te bénis pour la réalisation future de ton plan d'amour, notamment que nous sortirons d'ici et te servirons sur cette montagne." Cela signifie que nous aurons un culte indépendant des Égyptiens, dans un lieu où nous pourrons célébrer librement et respecter le chabbat, comme c'était le cas pour les Juifs. Ainsi, ce but que Dieu nous révèle peut devenir un motif de louange.
Justice et Conséquences cette première objection par l'Incrédulité
C'est la miséricorde du Père qui s'exprime dans la réponse de Dieu, mais aussi sa justice. Nos refus créent un déséquilibre, une sorte de "noirceur" qui affecte le rôle que nous aurions pu jouer. Si d'autres ont persévéré dans leur mission, notre faiblesse a ralenti la progression collective, entraînant des conséquences pour ceux qui doivent alors redoubler d'efforts. C'est la justice du Père : subir les conséquences pratiques de notre propre péché permet de rattraper le coup. Par exemple, si nous n'avons pas pris assez d'élan pour franchir un trottoir avec notre voiture, nous devrons ensuite pousser plus fort. Alors qu'avec une foi initiale, l'obstacle aurait été franchi sans même s'en apercevoir.
Une conséquence de cette incrédulité de Moïse est visible en Exode 5, verset 2. Lorsque Moïse et Aaron se présentent devant Pharaon, ils semblent hésitants, déclarant : "Dieu nous a dit que tu devais nous laisser partir." Pharaon répond : "Qui est le Seigneur Yahvé pour que j'entende sa voix et que je renvoie Israël ?" Ce "Qui est-il ?" fait écho au "Qui suis-je ?" de Moïse. Pharaon ne recentre pas le débat sur la divinité, mais sur une incrédulité, une négation de Dieu, ramenant tout au matériel : "Vois-tu Dieu ? Non." Certains scientifiques contemporains adoptent cette même posture : "Je ne peux pas observer Dieu avec mon microscope, donc Il n'existe pas."
Les commentaires rabbiniques rapportent que Pharaon aurait demandé à ses scribes de consulter leurs livres pour trouver trace de "Yahvé". Il savait pertinemment que ce nom n'y figurait pas. Cela est pertinent aujourd'hui lorsque des personnes nous opposent des arguments tirés d'émissions télévisées "démontrant" l'inexistence de Dieu. Nous pouvons nous sentir démunis. Ce que nous pourrions offrir, c'est une assurance plus ferme dans la puissance de notre parole, en affirmant : "Dieu m'a dit cela," sans trembler. C'est là que nous devons "pousser" pour que les roues de notre voiture montent le trottoir.
Moïse, quant à lui, se défend en arguant : "Si nous demandons cela, c'est pour éviter que Dieu ne nous envoie la peste et l'épée." Ce type de réponse n'est-il pas tentant ? : "Je vais à la messe parce que mes parents m'y obligent" ou "parce qu'il va m'arriver des malheurs sinon". En réalité, nous devrions nous taire plutôt que de ternir ainsi le nom du Seigneur. Une conséquence de cette attitude est que, un peu plus tard, les Hébreux subissent des coups des Égyptiens qui les obligent à fabriquer plus de briques et à trouver eux-mêmes la paille. Il semble bien que cette épreuve soit une conséquence pratique de leur incrédulité. Ce fléau ne leur aurait-il pas été épargné s'ils avaient défendu le Seigneur en présence des autres ?
Ainsi, lorsque nous ne défendons pas le Seigneur ou que nous ternissons son nom, nous pouvons en subir des conséquences concrètes. La manière de rattraper le coup est d'accepter ces épreuves en disant : "Seigneur, pardon, j'aurais dû mieux te défendre." C'est le premier obstacle dans la mission : le manque d'audace, le sentiment de devoir tout porter seul, l'incapacité d'assumer sa mission avec fierté chrétienne. Nous sommes des signes et des présages pour Israël, comme le dit Isaïe. Se le répéter peut nous aider.
Deuxième Objection de Moïse : Connaître le Nom Divin
La seconde objection de Moïse pour ne pas faire ce que lui demande DIEU est : "Quel est ton nom ?" Dieu répond alors : "À toi, je révèle mon nom : éyé achèr éyé (Je suis Celui qui est)." J'ai transcrit cette phrase hébraïque en phonétique, car la prononcer avec foi, comme "Abba" pour le Père, pourrait avoir une onction particulière. Cependant, pour le peuple, ce nom est trop sacré. Dieu dit donc à Moïse : "Tu leur diras : 'JE SUIS m'a envoyé vers vous.'" C'est une miséricorde du Seigneur, comparable à un parent qui, après qu'un enfant désobéissant se blesse, le prend dans ses bras avant de lui expliquer les conséquences de son acte. Dieu donne un "sucre d'orge" extraordinaire en révélant son nom, mais ensuite, la justice s'applique pour que l'enfant apprenne et grandisse.
En parallèle, dans la joute oratoire entre Moïse, Aaron et Pharaon, ce dernier déclare : "Moïse et Aaron, pourquoi empêchez-vous le peuple de travailler ?" La conséquence du dénigrement du nom de Dieu par Moïse, de son doute quant à sa puissance, est sans doute que Pharaon attribue les requêtes de Moïse et Aaron à leur propre volonté humaine, et non à une transcendance divine. Il minimise le projet divin en le ramenant à une conspiration humaine. Aujourd'hui, ce même discours nous est opposé : l'Église serait une institution autoproclamée, les papes décideraient de tout, réduisant un projet divin à une entreprise humaine dérisoire.
Face à cela, nous pouvons cultiver un attachement profond au Nom de Dieu, au nom du Père, de Jésus, et le prononcer avec une foi inébranlable. Dans ces moments où l'on nous oppose l'argument de l'humain et de l'invention, notre foi nous donnera la force nécessaire, les justes arguments et l'attitude adéquate face à ceux qui ramènent tout au matériel et à des décisions humaines médiocres.
Troisième Objection de Moïse : La Preuve de l'Autorité
La troisième objection de Moïse se trouve au chapitre 4, verset 1 : "Mais voilà, ils ne me croiront pas, ils n'entendront pas ma voix, ils diront : 'Le Seigneur ne t'était pas apparu !'"
Avec une grande patience, le Seigneur, pour lui répondre, lui demande : "Qu'as-tu à la main ?" Moïse répond : "Un bâton."
Ce bâton représente toute l'autorité qui lui reste. Après avoir tout perdu – il était le second de Pharaon, puis il a tué un Égyptien et passé quarante ans dans le désert comme berger – c'est son unique soutien. Le Seigneur prépare souvent ceux qui ont de grandes missions en les faisant s'occuper de brebis, observant leur manière de paître le troupeau avant de leur confier le sien. C'est le cas de Pierre, qui s'est occupé des douze apôtres avant de se voir confier l'Église tout entière. Le bâton de Moïse, ce sont toutes ses forces humaines restantes.
Dieu lui dit de le jeter, révélant que même ce sur quoi il s'appuie peut se transformer en serpent. Il est crucial de s'appuyer sur Dieu et non uniquement sur des supports humains. Moïse se retrouve face à sa propre faiblesse. Dieu lui demande de prendre le serpent par la queue, un acte de foi surnaturel. Ce geste symbolise le fait de prendre sa faiblesse en main, de prendre le taureau par les cornes. Le serpent redevient un bâton, et avec cela, Moïse accomplira des signes. C'est comme le poisson de Jonas : le cachot où il a été contraint de réfléchir est devenu un moyen de conversion pour les Ninivites. De même, nos faiblesses, nos refuges (comme l'alcoolisme pour reprendre un exemple courant), peuvent devenir des témoignages puissants de conversion de masse. Le Seigneur utilise nos refus et nos faiblesses pour notre mission.
Le verbe hébreu utilisé pour "saisir" est "shazak", signifiant "fort, rigide, dur". La faiblesse de Moïse est d'avoir un cœur dur, fermé. Ensuite, la main de Moïse devient lépreuse, puis saine, et l'eau se change en sang. Ces signes révèlent à Moïse ses propres faiblesses comme on va le voir tout de suite, ce qui est un signe de miséricorde. C'est comme un parent qui explique à son enfant pourquoi il a été réprimandé par son enseignant, l'armant ainsi pour l'avenir. C'est la miséricorde qui s'exprime, permettant à Moïse de progresser.
La main, qui symbolise l'action, devient lépreuse : "Regarde comme ce que tu fais est corrompu si tu ne t'appuies pas sur moi." Mais si Moïse remet sa main dans son sein et la ressort, elle redevient saine : s'appuyer sur la grâce divine rend notre action percutante et sanctifiée.
L'eau changée en sang représente aussi un appui humain : chercher de l'eau ailleurs qu'en recevant la pluie du Seigneur. Cette "eau" se transforme en sang, devenant imbuvable, nous dégoûtant. Par exemple, si je me console de ma tristesse en mangeant trop de chocolat, au-delà d'un certain point, le plaisir se transforme en dégoût. C'est cela : l'appui humain censé nous consoler finit par nous dégoûter. On retrouve ce thème avec Pharaon et le Nil : il s'appuie sur le Nil, qui se change en sang.
Humiliation et Conséquences des Blocages
Moïse exprime son incrédulité : "Ils ne me croiront pas." L'acte de justice qui va s'appliquer est qu'Aaron prendra la parole, accomplira les signes, et le peuple croira immédiatement. C'est une humiliation pour Moïse, se dire qu'il a manqué de foi, alors que le peuple s'est converti instantanément. Il a causé un grand blocage dans sa vie spirituelle et sa mission, alors qu'il aurait suffi d'un "oui" pour que tout se passe. Il est alors contraint de dire : "Pardon, Seigneur, j'ai manqué de foi."
Pharaon impose une épreuve : "Puisque c'est ainsi, vous devrez fabriquer plus de briques." Il retire la paille que les Égyptiens fournissaient auparavant, doublant ainsi le travail des Hébreux. Cela déstabilise le peuple, créant une inégalité, comme si un président décidait que les chrétiens cotiseraient le triple de leur retraite. Cela engendre de la méchanceté et un déséquilibre dans la paix sociale. Pharaon refuse Dieu par méchanceté. La paille, pour moi, est liée à la vue, à ce qui masque la vue, comme Jésus nous le révèle.
La Paille : Futilité et Défauts des Autres
Dans l'Ancien Testament, la paille symbolise la futilité : "les méchants seront comme la paille balayée par le vent". Pharaon met cette paille sous les yeux des Hébreux, les détournant ainsi de leur véritable objectif. La mission divine est de libérer les personnes de l'athéisme, de l'incrédulité, de la misère et de la tristesse, pour les mener vers les sources de vie et la vision de Dieu. Le démon et les forces hostiles s'efforcent de nous mettre des futilités sous les yeux, des choses inutiles qui retardent notre progression. Aujourd'hui, cela se manifeste par la surconsommation de loisirs et d'activités triviales.
Selon l'interprétation du Christ, la paille représente aussi les défauts des autres. Si je me base sur les imperfections de quelqu'un pour le juger, je me fonde sur des futilités qui masquent la personne dans sa vérité. L'un des combats que nous rencontrerons dans notre mission, et qui fait partie de cette troisième épreuve, est que le Malin nous montrera très clairement les faiblesses de ceux avec qui nous collaborons. Par exemple, si nous travaillons sur la liturgie de la Parole, l'imperfection du responsable pourra nous irriter, alors même que nous voulions simplement rendre service. C'est cela la paille : nous présumons des difficultés, nous rechignons à nous mettre en route, et des faiblesses, parfois apparentes, nous sont présentées comme des obstacles, alors qu'elles ne sont que de la paille. Pourtant, nous avons nous-mêmes une poutre dans notre œil qui nous empêche de voir notre frère ou notre sœur en vérité. Cela rejoint le thème du peuple qui croit malgré l'incrédulité de Moïse, et la paille qui bouche la vue.
Conséquences de la Justice Divine : Humiliation et Surcharges
Dans les conséquences de la justice divine, les scribes et les fils d'Israël frappent Moïse et Aaron, leur reprochant d'avoir provoqué leur surcharge de travail, leur faisant ramasser la paille et les rendant odieux aux yeux de Pharaon. C'est la fin de la parenthèse où Moïse craignait que le Seigneur ne les "dégomme par l'épée". La conséquence est là, palpable.
Revenons sur le mot hébreu shazak, qui signifie "fort, rigide, dur". Ce terme, utilisé pour "saisir le bâton", révèle que la dureté de cœur de Moïse trouvera un écho dans la dureté de cœur de Pharaon. Les endurcissements successifs se manifestent à travers les différentes plaies. Si Pharaon persiste dans sa dureté envers le peuple, Dieu va également endurcir les conditions des Égyptiens. Ces derniers, excédés par les plaies, presseront le peuple de partir à coups de pied au derrière. Dieu agit en s'appuyant sur cette dureté pour finalement faire sortir le peuple d'Égypte "à bras armés, à bras étendus".
Moïse s'objecte aussi en disant : "Je ne suis pas un homme de parole, je suis lourd de bouche et de langue." Le mot hébreu kavet, signifiant "lourd", est employé ici. Moïse insiste sur son manque de talent oratoire, ramenant la mission à une simple question de capacités humaines. Dieu répond : "Qui a fait une bouche à l'homme ?" C'est un acte créateur, un acte fort qui sanctifie et qui rend "sourd et muet, voyant ou aveugle". Dieu ajoute : "Je serai avec ta bouche." Le Nom divin est lié à la bouche de Moïse, et il accomplira des merveilles qui toucheront le cœur des gens.
Les conséquences de la justice se manifestent par la lourdeur du cœur de Pharaon, qui refuse de laisser partir le peuple, puis par les plaies elles-mêmes qui deviennent "lourdes". La quatrième plaie, la vermine, entre "lourdement" (shazak). La grêle est "très violente", une "telle masse" de sauterelles. Mais Dieu s'appuie sur cette adversité pour combler le peuple hébreu de grâces. Ayant été persécuté par la lourdeur de cœur des Égyptiens, et Moïse s'étant repenti de sa propre lourdeur, Dieu fait sortir les Hébreux avec de "lourds troupeaux". C'est magnifique de voir les grâces abondantes que le Seigneur accorde.
Une autre conséquence de la lourdeur se retrouve dans la manière dont Moïse exercera son autorité. Il subira de plein fouet la lourdeur du peuple, se plaignant au Seigneur : "Pourquoi mettre la charge de tout ce peuple sur moi ? Je ne pourrais pas moi-même porter tout ce peuple, il est trop lourd pour moi." Cela montre que la lourdeur initiale de Moïse se répercute sur le peuple. En offrant nos propres "misères" et nos "lourdeurs de cœur", nous pouvons rattraper le temps perdu et nous raccrocher au projet du Seigneur.
L'acte créateur de Dieu qui a "fait une bouche à l'homme" trouve son pendant dans la parole d'autorité de Pharaon : "Vous leur imposerez néanmoins la quantité de briques qu'ils faisaient auparavant." Pharaon va imposer une parole et un acte d'autorité, leur faisant travailler deux fois plus avec la paille sous les yeux. Au chapitre 5, verset 14, les commissaires des enfants d'Israël sont même battus par les inspecteurs de Pharaon. L'acte créateur de Dieu perturbe une organisation humaine. Plus tard, les plaies seront des actes grandioses qui renverseront la situation. Les derniers actes, comme la mer Rouge qui s'ouvre, sont des actes de puissance divine, des sium (acte créateur).
Cinquième Objection : Le Doute sur sa Propre Aptitude
La cinquième objection de Moïse est : "Je t'en prie, envoie donc avec la main de qui tu enverras." Le mot hébreu shalash (envoyer) est utilisé. La colère du Seigneur s'enflamme. Ici, la question n'est plus "Qui suis-je ?", mais plutôt "Suis-je la bonne personne ? N'y a-t-il pas quelqu'un de plus apte que moi ?" Moïse souhaite se fondre dans la masse.
L'acte de miséricorde de Dieu est alors de partager la mission de Moïse en deux, avec son frère Aaron. Moïse devra expliquer les choses à Aaron, dont le caractère est différent. Aaron finira par faire le veau d'or en suivant le peuple plutôt qu'en faisant confiance à Moïse. Moïse subira la "lourdeur" d'Aaron, même si Aaron est quelqu'un de joyeux par ailleurs. Mais c'est Aaron qui accomplira la plupart des prodiges et sera le porte-parole de Moïse devant Pharaon, récupérant ainsi une partie de la gloire.
Les conséquences se manifestent par l'endurcissement de Pharaon, qui ne laisse pas partir le peuple, et par la main puissante de Dieu qui finira par le forcer à les laisser partir. Finalement, au chapitre 9, verset 27 de l'Exode, Pharaon lui-même envoie chercher Moïse et Aaron, les suppliant d'éloigner les plaies. L'envoi s'inverse, et le Cantique de Moïse à la fin célèbre la colère de Dieu qui a englouti les ennemis dans la Mer Rouge.
Sixième Objection : La Souffrance dans la Mission
La sixième objection de Moïse est plus légitime : "Pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple ?" Le peuple subit les conséquences des briques et du travail forcé. C'est un cri de souffrance, la croix au cœur du sujet : "J'ai rencontré ta croix, Jésus, et c'est dur." Moïse, qui avait accepté de suivre le Seigneur, se heurte aux hostilités, aux difficultés financières, et demande : "Pourquoi m'as-tu envoyé ? Je t'avais dit dès le départ qu'il fallait envoyer quelqu'un d'autre."
Dieu va transformer ce "aller" en acte de puissance. Il va envoyer Moïse vers Pharaon avec l'ordre de s'imposer. La faiblesse de Moïse ("Pourquoi m'as-tu fait aller vers l'Égypte dans la souffrance ?") est transfigurée. L'homme de prière, qui reste connecté au Seigneur et crie sa détresse non pas dans le vide mais auprès de Dieu en adoration, reçoit une réponse. Le Seigneur lui dit : "Je vais t'envoyer vers Pharaon, et tu enverras tes prodiges. C'est toi qui feras ces actes de puissance. Cet envoi où tu m'as interrogé sur la souffrance, tu vas toi-même participer à ma royauté, à mes actes de puissance. Tu opèreras des guérisons, tu iras parler à l'évêque, au président, alors que tu n'es personne. Mais parce que tu as accepté de porter ma croix, je te donne une autorité, une mission plus forte que la simple discussion avec Pharaon."
Septième Objection : Le Refus des Autres
Le dernier argument de Moïse est : "Les fils d'Israël ne m'ont pas écouté, moi l'incirconcis des lèvres." Cette réplique, que l'on retrouve aux chapitres 6, versets 12 et 30, entrecoupée d'une généalogie, exprime la difficulté de se heurter au refus des autres. C'est une épreuve de se prendre un mur. Cela m'est arrivé récemment : j'ai reçu dans la prière l'ordre du Seigneur de dire quelque chose à quelqu'un, j'y suis allé, et je me suis heurté à un refus violent.
Le prophète Jérémie a vécu une expérience similaire : il rappelle à Dieu comment le roi a déchiré et brûlé les rouleaux qu'ils avaient mis des heures à écrire. "Cela n'a servi à rien, Seigneur, pourquoi ?" Ce genre d'épreuve peut nous miner dans notre mission, lorsque Dieu nous demande des choses et que les gens restent inflexibles. Au départ, nous sommes peut-être de grands priants, courant vers le Seigneur, mais en pleine course, nous nous heurtons à ce mur.
Le mot écouter revient constamment dans les appels répétés de Dieu à Pharaon, mais sans succès. Pharaon est un personnage biblique qui semble refuser la grâce jusqu'au bout, le type même de la personne qui finit en enfer. Il demande parfois des prières, mais par superstition, non par conversion intérieure, comme Judas qui retourne voir les prêtres sans véritable repentir.
Pourtant, la grâce du Seigneur opère : à partir de la troisième plaie, les serviteurs écoutent. Les magiciens eux-mêmes reconnaissent "le doigt de Dieu". Progressivement, ils supplient Pharaon d'arrêter, réalisant les dégâts. Les Égyptiens qui ont écouté Moïse en rentrant leurs troupeaux ont été sauvés. Ainsi, se heurter à un mur avec Pharaon est une manière de convertir son entourage. Les "dommages collatéraux" de notre mission et de l'endurcissement de certains sont la conversion d'autres personnes, ce à quoi nous ne nous attendions pas forcément.
Ces deux dernières objections de Moïse ne sont plus des refus de la mission, mais des plaintes liées aux difficultés rencontrées, signes que nous ne sommes pas encore des saints comme Jésus, qui a accepté sa mission sans broncher. Parfois, nous nous posons devant le Seigneur en disant : "Je crie vers toi, car j'ai des difficultés, des murs, des gens qui ne croient pas ou ne veulent pas, et c'est dur." Dans ces moments, les paroles du Seigneur sont des consolations et des exhortations. Les actes de justice ne sont plus contre le prophète lui-même, mais contre le monde extérieur qui a refusé la grâce.
Le profil de Moïse correspond bien à une mission : les cinq premières difficultés sont les nôtres, et les deux dernières sont les obstacles classiques de tout prophète. Nous ne pouvons pas y échapper. Cela signifie que nous avançons lentement dans notre mission, mais nous avançons. Ces vrais obstacles surviennent quand nous prenons de la vitesse ou que nous avons été trop rapides sur certaines choses.
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